Je suis assise seule à la terrasse panoramique de ce bar du port de l'île des Saintes au large de la Guadeloupe. Le soleil en chute libre me rend écrevisse.
Un sourire mi-carnassier mi-hilare me sert mon quatrième cuba libre. Je saisis au vol le clin d'oeil goguenard que le garçon lance à son collègue. Ils me connaissent mal. Je tiens la distance, surtout à l'autre bout du monde.
Véronique Sanson a remplacé la série de zouk. Mon esprit largue ses amarres. Imperceptiblement. Inexorablement. Je suis ici et ailleurs. Le temps s'estompe puis tire sa révérence sous les assauts de sa maîtresse, l'imagination. Elle me prend la main, le coeur, l'esprit, le corps entier. Je flotte. Comme les glaçons dans mon cocktail. Je tends maladroitement le bras gauche pour sauver le soleil de la noyade. Peine perdue. Plouf. J'en pouffe. Peu discrètement. Mais qu'importe ces ombres fantomatiques, pourvu que l'ivresse de l'aventure fasse danser mon esprit !
Je suis bien. La vie m'enivre. Elle chatoie de mille feux. Tout tourne autour de moi. Tout sarabande. La lune est monstrueuse. L'alizé me caresse. Le plaisir m'inonde. Les secrets de l'univers se dévoilent. Impudiques. Ils me tutoient et je les écoute avec un sourire de contentement.
Je crois vaguement me souvenir de l'heure du dernier bateau pour rejoindre la Guadeloupe et le centre UCPA où je séjourne pour un stage de randonnée. La raison vacille avec le cinquième cuba libre. Le bateau attendra sûrement. Il n'aura qu'à lire dans mes pensées et faire lui aussi le plein.
Ma vie métropolitaine se dilue dans le rhum de mon cocktail pour ressortir vêtue de foulards bariolés. Le gris a définitivement pris les voiles, chassé par les vents tropicaux. J'ai l'impression d'être le corsaire de ma vie. Je suis tellement barrée que j'en prends la barre à la barbare. L'instinct me gouverne. La passion me dirige. La réalité s'est travestie. Qu'importe, pourvu que mon cuba libre continue sa danse.
Je l'entend à peine, la sirène prétentieuse du bateau. Je le vois vaguement quitter le ponton. Je crois même que mon sixième verre se soulève pour trinquer en son honneur. Baudelaire et Rimbaud viennent me tenir compagnie. On refait le monde. Les vers virevoltent avec les verres. Miles Davis a remplacé Véronique, probablement partie se rincer le gosier. La nuit s'installe. Tout est possible.
J'allonge les jambes sur la chaise d'en face. Mes paupières se font des clins d'oeil de plus en plus appuyés. J'éprouve moins de facilité à répondre aux bruits qui sortent des bouches qui titubent autour de moi. Les lampadaires du ponton viennent tout juste de commencer à danser la salsa. Ils s'allument les uns les autres. Certains semblent même vouloir s'approcher de moi. A coup sûr, ils vont m'inviter. La nuit sera magique. C'est mon dessous de verre qui me l'a confié. En m'intimant de ne surtout pas le répéter. Quel idiot, celui-là, puisque tout le monde sait qu'une nuit sous les tropiques est toujours magique !
D'ailleurs, il est où, le garçon ? Mon verre vide cherche sa moitié pour prolonger cette salsa des cuba libre. Rhum et coca, siouplé !
La suite fut moins glorieuse, mais cette soirée est gravée à jamais dans ma mémoire...
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Tous les chemins mènent au rhum.
RépondreSupprimer@ Christophe : Il n'y a de cuba libre que dans un verre...
RépondreSupprimerAh bah évidemment la partie la plus intéressante , tu nous la cache !
RépondreSupprimerBon alors tu t'es pris une cuite et à finit par croire que tu pouvais marcher sur l'eau ? ou tu as confondu le cuistot avec Brad Pitt ?
Baaalance !
Mauvais plan d'aller contempler Le Chameau seule au soleil couchant en sirotant des cuba-libre...
RépondreSupprimerUn tel endroit ne peut convenir qu'aux amoureux... Et encore, c'est pas gagné d'avance...
Le Paradis est parfois un Enfer pavé de mauvaises intentions.
Ah la la, après la déprime d'hier, aujourd'hui c'est les souvenirs de cuite.
RépondreSupprimerKestu nous couves, là ? Hein ?
@ Psychopouetpouet : Inracontable. Vraiment et strictement inracontable.
RépondreSupprimer@ ramses : Je ne connaissais pas l'expression "contempler le chameau" ! En est-ce une du reste ? Je conteste : un tel endroit est également merveilleux en tant que célibataire ! Au diable les clichés et au diable l'enfer...
;)
@ Anna : Un souvenir de cuite peut être savoureux (pas toujours, je te le concède). En l'occurrence, il l'a été, savoureux. Je ne veux surtout pas l'enfouir au fond du sac de ma mémoire. Je le ressors à l'air libre de temps à autre. C'était hier. Quant à la déprime, elle n'existe pas dans mon vocabulaire. Juste une lassitude de la quotidienneté de ce blog. Je vais peut-être changer de rythme de publication.
Mais sois rassurée, si tant est que tu aies à l'être, je ne couve rien, pas même un rhume !
:)
@ Christina
RépondreSupprimerLe Chameau est la colline qui domine Les Saintes. C'est elle, sauf erreur, que l'on aperçoit sur la seconde photo au soleil couchant.
@ ramses : Et bien tu m'en apprends une, là ! Je n'ai que le beau souvenir du Fort Napoléon et des iguanes qui y sont savamment chouchoutés par l'office du tourisme local !
RépondreSupprimer@ Christina
RépondreSupprimerJ'ai passé 2 semaines aux Saintes en 95, que j'ai entièrement parcourues à pied. J'ai un souvenir un peu pénible du Chameau à la montée (309m), vers 15h en plein soleil... Il y a une vieille Tour délabrée au sommet, mais quel spectacle sur l'archipel ! Certains iconoclastes le font en scooter...
http://www.guadeloupe-fr.com/accueilPatrimoine/les-saintes/vues-panoramiques/article=130/
Tout ça me parle tellement.
RépondreSupprimerJ'ai passé tellement de temps dans les lieux dont tu parles... à faire la même chose que toi.