mercredi 25 février 2009

La baluchon troué

Des années qu'il errait, son baluchon pour tout trésor.

Je l'ai croisé au hasard d'une éclaircie. La pluie avait décrotté son visage de vieil enfant. Je lui ai offert mon aide inutile, il m'a accordé une heure de vérités indispensables. Nos vies se sont effacées et inclinées devant un présent dévoreur d'avant et d'après.

Il a plongé sa main dans le baluchon fripé pour en sortir d'exquis mots qu'il me lança en pleine gueule. On ne m'avait jamais parlé comme cela. Jamais une voyelle, jamais une consonne n'avaient pesé aussi lourd. Des espaces se créaient sur les flots de notre conversation. Des mondes déchiraient ma vieille imagination, chrysalide d'un temps révolu. Je suis devenue une mutante spirituelle. Pour toujours.

Il finit par partir avec l'éclaircie, son baluchon pour seul compagnon. Mon sourire l'a accompagné de ses yeux humides. Je n'avais pas vu qu'il avait laissé échapper deux mots de sa besace trouée. Ils resplendissaient là, à mes côtés, sur le banc public témoin de notre rencontre improvisée.

Je les ai gardés. Je leur ai même trouvé un nom. "Courage" et "foi".

Je prie qu'il ne viennent pas à lui manquer. Faut dire qu'ils me sont si chers depuis...

8 commentaires:

  1. Ils ne lui manqueront pas. C'est comme l'amour ou la connaissance : on peut en donner autant qu'on veut/peut, on en perd pas un gramme (et même on gagne...)...

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  2. Très beau texte ! Merci !

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  3. Cette nouvelle, lue ce matin, a embelli ma journée. Merci !

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  4. @ Hacène : Tu as parfaitement raison. Certaines qualités croissent en les utilisant... il en va de même pour les défauts du reste...

    @ Anonyme : C'est à moi de te remercier !

    @ yscn : Elle a été écrite dans cette intention et je suis heureuse qu'elle ait rempli son rôle auprès de toi...

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  5. Votre court lai me fait étrangement penser a ceux du Moyen-âge lorsque les ermites rencontrent les jeunes éphèbes en quête de réponses a leurs questions existentielles. Seul le religieux peut les guider sur le chemin intellectuel un peu a la maieutique socratique où foi et courage sont les maîtres mots.
    Le mot foi possède cependant plusieurs sens et je serai bien curieux de connaître le sens que ce mot revêt dans ce conte !

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  6. @ Louis : Le mot "foi" n'est ici aucunement empreint de la moindre connotation religieuse. Pour vous relier à l'esprit dans lequel je l'ai employé, je vous citerai un mot de Goethe : "Dès l'instant où vous aurez foi en vous-même, vous saurez comment vivre." Merci d'avoir employé le terme de "lai" pour mon billet. Je n'y avais vraiment pas pensé et votre réflexion a nourri la mienne a posteriori.

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  7. Notre vie est parsemée de rencontres fugitives, qui nous marqueront souvent pour la vie. Les bienfaits sont rarement rendus à ceux qui nous les ont prodigués, mais à d'autres, sous une autre forme. On mesure la réussite de sa propre vie à la "balance" de ces dons respectifs... Certains sont très débiteurs, ils paieront des agios, comme à la Banque...

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  8. @ ramses : ... et la forme des agios est souvent surprenante...

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