mercredi 17 décembre 2008

Un esprit s'embrume, des yeux s'embuent...

Maman a pleuré cette après-midi. Donc, moi aussi.

Flash-back.

Drôle de repas de Noël dans une petite unité Alzheimer comble. Une foule sur son 31. Du rouge, du noir, du mauve. Des sourires. Des éclats de rires. Des embrassades. Une décoration sommaire mais pleine d'attentions. Maman et moi sommes arrivées pour midi.

Grand-maman nous a souri comme on sourit à des étrangers. Poliment. Gentillement. Pas grave. Normal. Nous connaissons cette putain de maladie comme on peut connaitre son pire ennemi. En détail et en profondeur. Emprisonnées dans notre haine. Voler un portefeuille, la belle affaire. Mais un passé, cela n'est pas convenable. Juste inexcusable.

L'ambiance est chaleureuse. Nos coeurs débordent des yeux. Je regarde maman dévorer d'amour sa maman. Ses yeux refusent de se détacher de la moindre parcelle du visage maternel. Ses mains ne veulent se détacher de ce corps qui l'a naguère bercée. Rôles inversés. La vie vient d'offrir à maman une seconde fille. L'instinct maternel ressurgit. Conneries que de croire qu'il se perde.

La fin du repas approche. Les discussions et les interlocuteurs s'enchainent. A un moment, une infirmière dit à maman : "Votre mère nous parle souvent de vous. Elle cite toujours votre nom avec un grand sourire et les yeux qui brillent ! Elle pense beaucoup à vous..."

Une violente émotion m'inonde. Je porte aussitôt mon regard sur maman. Je la vois lutter pour ne pas pleurer. Ses yeux s'embuent. Sa gorge se noue. Je distingue de légers tremblements la parcourir. L'infirmière est heureusement appelée à une autre table. Je reste seule avec maman. Grand-maman est également là, mais ailleurs. Elle n'a rien remarqué. Peut-être entendu, mais forcément pas compris.

J'enlace maman qui pleure maintenant en silence. Elle est génée. Je ne le suis pas. Au contraire, je suis fière d'elle. Fière d'avoir une mère qui éprouve de tels sentiments. Fière d'avoir une mère qui connait la valeur de l'amour.

Ce putain d'amour que tout le monde cherche. Ce putain d'amour que tout le monde possèderait s'il n'avait pas peur de le trouver, de peur de déjà le perdre.

Je n'ai pas resisté longtemps. J'ai rejoint maman dans son émotion. J'ai pleuré avec elle, pas à cause d'elle, pas sur elle. Avec elle. Pour elle. "Comme je suis fière de toi, ma petite maman ! Comme je suis fière d'être ta fille..."

Les plus beaux voyages ne sont pas ceux que l'on croit. Les plus hauts sommets ne sont pas ceux que l'on croit. Les véritables victoires ne sont pas celles que l'on croit.

J'ai grandi cette après-midi. Merci maman pour cette leçon de Vie. Merci grand-maman d'avoir pris part à ce cadeau. Je sais que quelque chose en toi doit rayonner et être satisfaite de cet échange sans nom.

Un jour. Un jour, ce sera mon tour d'être la maman de ma maman. Elle le sait. Ses yeux me l'ont dit. Elle pourra être fière de moi comme j'ai été fière d'elle en cette après-midi.

Le véritable banquet de la vie n'accepte que les coeurs comme convives. Il y avait un putain de beau banquet ce midi à l'unité Alzheimer de grand-maman.

2 commentaires:

  1. En lisant cette note, chère Christina, j'ai compris un aspect attachant de votre personnalité: vous avez été (et vous êtes encore presque) une enfant heureuse, aimée et aimante. Il est rare que les enfants heureux deviennent des adultes méchants et aigris.
    Cabral

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  2. @ Cabral : touchée ! Je ne saurai jamais assez remercier mes parents de l'éducation et de l'affection qu'ils m'ont offertes. Par rapport aux concepts d'inné et d'acquis, il me semble clair qu'une belle partie de l'acquis est forgé pendant l'enfance, notamment à travers la cellule familiale. J'ai eu et j'ai beaucoup de chance de ce côté. Je suis heureuse que cela transpire au travers de mes bafouilles.

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